Si les modes de vie urbains sont entretenus par l’urbanisation galopante, tant elle représente la vitrine et le vecteur manifeste de l’attrait des villes par les campagnes ; il se pose la question de la relation à établir entre urbanisation et ville durable. Plaidoyer pour un « urbanisme écobienveillant » en Afrique.
Le pourquoi et le comment
La ville écologique passe à la ville durable dès lors qu’elle (i) prend en considération simultanée les enjeux socio-économiques, environnementaux, architecturaux, etc. de l’urbanisation ; (ii) prête attention aux impacts sur le long terme du développement urbain et (iii) accepte la ville comme étant le lieu de l’urbain et du social.Sans nier la complexité de la ville durable, dès lors qu’on considère avec Sachs, que « la ville est un ‘’tout’’ dans ses aspects matériels et immatériels », le défi des villes durables est comme l’évoquait Véronique Barnier et Caroline Tucoulet, celui de la compacité, de la citoyenneté, de la solidarité et de l’éco-gestion.
En effet, les villes quis’étalentconsomment de l’énergie et font face à des difficultés sur le plan du transportsont des villes de la non-durabilité. Ces villes polluent en générant des déchets solides, du bruit, des eaux usées et des gaz à effet de serre (par les transports mais aussi par un mauvais traitement des déchets) du fait de l’urbanisation croissante et de l’usage de l’automobile, qui, du reste, tord le cou à la fonctionnalité de la ville. Les espaces s’y réorganisent d’une manière qui défie l’urbanisme africain de se convertir au durable pour à la fois créer de la proximité, de la mixité et de la fonctionnalité afin de reconstituer le tissu urbain qui se déchire.
Il me plait ainsi d’invoquer, au sein de la ville africaine, un « urbanisme écobienveillant » ; celui qui, en créant la mixité fonctionnelle, réinventerait la mixité sociale. L’urbanisme écobienveillant injecterait ici la marque de l’humanité à l’échelle du quartier, devenant ainsi un urbanisme durable car en mesure d’offrir « l’accessibilité » et donc de mettre les besoins (de toutes les tranches d’âge et de toutes les classes sociales) à portée de main et à courte distance. Le quartier étant une micro-ville, il est le lieu idéal de l’expérimentation des possibles de cet urbanisme écobienveillant au profit de la ville durable, cela, dans un paysage conçu pour sympathiser avec le cœur humain et pour faire du mobilier urbain la figure immanquable du lien et de l’appartenance.
Plus subtilement
L’urbanisme écobienveillant apporte au quartier le pouvoir d’un espace de réconciliation entre les générations et de maintien de la cohésion sociale. Il lui permet ainsi de manifester le rôle de l’inclusion socio-économique dans le maintien de l’identité des lieux et dans l’enracinement local des attitudes qui se figent sur une ambition bas-carbone, dans un contexte international marqué par la mondialisation des comportements urbains. La ville durable doit aussi, pour être inclusive, apporter l’urbanité aux quartiers précaires et zones périphériques, où vivent entre 50 et 70% de la population citadine, pour en faire le moteur de la transition des villes africaines vers des approches de développement durable et donc de sauvegarde voire de restauration de l’environnement naturel dans une perspective de croissance urbaine verte.
L’urbanisme écobienveillant impose, selon cette logique, une pratique urbanistique différente au profit de la ville durable. Cela passe par des transports moins polluants, la revalorisation des espaces publics, la re-densification des zones habitées en fonction des transports en commun dans un optimum maîtrisé, la réhabilitation des zones d’habitation dégradées et le développement de l’urbanisme végétal. Aussi, en tant qu’il limite la consommation des ressources en eau et en énergie, spécifiquement pour les pays subsahariens qui en manquent, l’urbanisme écobienveillant implique une meilleure gestion urbaine et donc une meilleure gouvernance urbaine, d’où la nécessité, pour sa pleine expression, de devenir une compétence décentralisée.
Faire de l’urbanisme durable une réalité patente en Afrique, revient àrequestionner les schémas de gestion du foncier en ville et en périphérie de la ville, ainsi que ceux des infrastructures urbaines, de l’administration urbaine et de la lutte contre la pauvreté. Ainsi, dans une logique transversale, il serait possible de projeter des horizons prometteurs dans l’explicitation de la capacité des citadins à faire société. C’est là tout le pouvoir de l’urbanisme écobienveillant.

Président chez Construire pour demain