Par Cyrille Djami, consultant en communication stratégique et fondateur de CommsOfAfrica
Chaque 16 juillet, la communauté mondiale des communicants célèbre la Journée mondiale des relations publics. C’est l’occasion de réfléchir à l’influence de cette discipline dans la construction des récits, la gestion des réputations et l’accompagnement du changement. Pour l’Afrique, ce moment invite également à regarder en face une réalité préoccupante : le fossé croissant entre les écosystèmes RP anglophones et francophones.
L’Afrique anglophone gagne en visibilité à l’échelle mondiale grâce à une approche dynamique et stratégique des relations publics. À l’inverse, l’Afrique francophone reste souvent cantonnée à une conception traditionnelle centrée sur les médias. Ce déséquilibre freine l’émergence d’une industrie unifiée et crédible à l’échelle continentale. Il est impératif de le combler si l’on veut que l’Afrique s’exprime d’une voix forte et cohérente sur la scène internationale.
Cet article analyse les causes de ce clivage, les signes d’évolution en Afrique francophone, et souligne pourquoi une approche panafricaine des RP est aujourd’hui indispensable.
Deux Afriques, deux réalités des RP
Au Nigeria, au Ghana, au Kenya ou en Afrique du Sud, les relations publics sont devenues un levier stratégique. Les entreprises y investissent pour positionner leur marque, renforcer la relation avec les investisseurs ou anticiper les crises. Les agences locales prospèrent. Les cabinets internationaux s’implantent. Des structures professionnelles comme PRCA Africa ou CIPR sont actives. La relève est formée dans des universités ou par le biais de programmes de mentorat.
En Afrique francophone, du Sénégal à la Côte d’Ivoire, du Cameroun à la RDC, les RP sont encore largement perçues comme synonymes de « relations presse ». Une stratégie RP consiste souvent à diffuser un communiqué, organiser une conférence de presse ou publier du contenu sponsorisé. L’analyse des parties prenantes, la planification stratégique ou la gestion des risques restent peu développées. L’activité est principalement portée par des institutions publiques ou des chargés de communication peu exposés aux standards internationaux.
Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’excellence en Afrique francophone. Mais il existe un écart réel entre la définition globale des RP comme fonction de leadership et leur mise en œuvre locale.
Décrypter les origines du fossé
Plusieurs facteurs historiques et structurels expliquent ce décalage.
La barrière linguistique est majeure. La majorité des contenus de référence en relations publics (études de cas, outils, webinaires, manuels) est produite en anglais. Les professionnels francophones non bilingues y accèdent peu.
Ensuite, l’héritage de la communication institutionnelle à la française continue de marquer les pratiques : priorité au protocole, à la hiérarchie, au message descendant. Dans de nombreux pays francophones, les RP sont encore perçues comme un prolongement de la communication gouvernementale, et non comme un outil de dialogue public ou de gestion d’image.
Le système éducatif constitue un autre frein. Peu d’universités en Afrique francophone proposent des cursus spécialisés en relations publics. L’essentiel de la formation reste centré sur le journalisme ou la communication générale. Des écoles comme l’ISTC Polytechnique à Abidjan ou l’ESSTIC à Yaoundé initient des réformes, mais l’offre reste limitée. Beaucoup de jeunes diplômés arrivent sur le marché sans réelle exposition à l’éventail des compétences PR.
Enfin, des facteurs culturels entrent en jeu. La communication francophone se caractérise souvent par une certaine réserve, un formalisme et une structure hiérarchisée. Les prises de parole audacieuses, l’engagement direct du public ou la communication proactive y sont encore rares.
Une dynamique de changement
Malgré ces contraintes, le paysage évolue.
Depuis cinq ans, une nouvelle génération de communicants émerge. Formés à l’étranger, multilingues, exposés à des contextes variés, ces professionnels s’engagent activement dans des réseaux internationaux. Des centres de formation privés se développent. Des agences innovantes comblent les lacunes laissées par les institutions classiques.
Les échanges professionnels se multiplient sur LinkedIn. Des études de cas, des bilans de campagne ou des réflexions de fond circulent désormais entre praticiens. Des thématiques comme la durabilité, le digital ou la communication de crise s’installent dans l’espace francophone.
Des événements spécialisés contribuent aussi à faire bouger les lignes. Le Salon international de la communication pour le développement durable (SICOM) au Burkina Faso ou Com’Afrique en Côte d’Ivoire offrent des espaces de visibilité et de montée en compétence.
Surtout, les professionnels ne se contententplus du minimum. Ils réclament davantage de planification, des indicateurs clairs, une reconnaissance stratégique dans les processus décisionnels.
L’enjeu de la collaboration
Pour que l’Afrique dispose d’un secteur RP crédible et influent, elle ne peut plus fonctionner en silos. Le clivage entre espaces anglophones et francophones ne relève pas seulement de la langue. Il touche aux structures, à la reconnaissance professionnelle, aux standards partagés.
L’Afrique anglophone dispose d’une solide expérience institutionnelle, de modèles éprouvés, de contenus pédagogiques et d’outils. L’Afrique francophone, elle, apporte une fine compréhension des contextes locaux, une proximité avec les décideurs et une grande créativité.
La complémentarité existe. Il est temps de structurer cette complémentarité. Des formations bilingues, des plateformes communes, des projets transfrontaliers ou des campagnes collectives permettraient d’accélérer la professionnalisation de l’ensemble du secteur. Ce rapprochement renforcerait aussi la voix de l’Afrique dans les grandes instances mondiales, du Global Alliance aux Cannes Lions.
C’est précisément dans cette optique qu’a été lancé CommsOfAfrica. Pensé comme un média bilingue, ce projet vise à documenter, connecter et valoriser les écosystèmes de la communication, des médias et du contenu à l’échelle panafricaine. Interviews, tribunes, analyses, actualités : tout est publié en français et en anglais, avec un même objectif. Construire des ponts, rendre visibles les talents, et repositionner l’Afrique francophone dans les conversations globales.
Un appel à l’action pour la World PR Day
La Journée mondiale des RP ne doit pas être un simple prétexte à événements ou hashtags. Elle doit devenir un point d’inflexion.
L’Afrique francophone a besoin d’un accès renforcé aux outils, aux formations et aux bonnes pratiques. L’Afrique anglophone peut jouer un rôle moteur dans ce partage. Ensemble, le continent doit investir dans la montée en compétence, la confiance mutuelle et des cadres de collaboration durables.
Si nous savons aligner nos efforts, documenter ce qui fonctionne, partager nos réussites et ouvrir des espaces de dialogue bilingues, l’Afrique ne comblera pas seulement ses fractures internes. Elle pourra prendre la tête de la transformation des relations publics à l’échelle mondiale.
Cyrille Djami est un spécialiste en Communication Stratégique et d’Influence, avec une vaste expérience dans le conseil aux organisations et aux personnalités publiques. Depuis de nombreuses années, il se consacre à la création et à la gestion de l’image de marque, de la réputation et de la notoriété de ses clients, avec un accent particulier sur le continent africain.
M. Djami est également un mentor qui consacre régulièrement son temps à l’encadrement des étudiants en communication en Afrique. En tant qu’intervenant fréquent dans les médias, il partage souvent son expertise sur des sujets relatifs à la Communication et aux médias.
Cyrille Djami est un spécialiste en Communication Stratégique et d’Influence, avec une vaste expérience dans le conseil aux organisations et aux personnalités publiques. Depuis de nombreuses années, il se consacre à la création et à la gestion de l’image de marque, de la réputation et de la notoriété de ses clients, avec un accent particulier sur le continent africain.
M. Djami est également un mentor qui consacre régulièrement son temps à l’encadrement des étudiants en communication en Afrique. En tant qu’intervenant fréquent dans les médias, il partage souvent son expertise sur des sujets relatifs à la Communication et aux médias.
