L’Afrique n’est pas seulement un continent d’opportunités économiques : c’est un laboratoire d’innovations sociales, écologiques et solidaires. Un terrain où la vision d’une économie régénératrice prend corps, où chaque investissement peut conjuguer performance et sens. Et dans cette dynamique, un duo encore sous-exploité détient un potentiel considérable : les collectivités territoriales françaises et les entreprises françaises, agissant ensemble dans le cadre de la coopération décentralisée.
Depuis plus de trente ans, les jumelages, partenariats techniques et coopérations municipales tissent un réseau patient entre la France et l’Afrique. Ces liens ont permis d’apporter de l’eau, de bâtir des écoles, de partager des savoir-faire urbains. Mais aujourd’hui, nous pouvons aller plus loin. Bien plus loin.
Du service public au partenariat d’impact
La coopération décentralisée n’est plus une simple solidarité institutionnelle. Elle devient une plateforme d’innovation territoriale, capable de fédérer des financements publics, des savoir-faire privés et des ressources locales autour d’objectifs communs : réduire l’empreinte carbone, créer des emplois durables, améliorer la résilience des villes africaines face au changement climatique.
Imaginez : une région française qui partage son expertise en gestion de l’eau avec une ville africaine… et une PME française qui fournit les stations de traitement, tout en formant sur place une coopérative locale à leur maintenance. Résultat : un accès durable à l’eau potable, des emplois qualifiés créés localement, et un marché pérenne pour l’entreprise. C’est du gagnant-gagnant-gagnant : pour la collectivité partenaire, pour l’entreprise, et pour les habitants.
Quand la RSE devient un moteur de coopération
Ce qui était autrefois un “plus” dans la stratégie des entreprises – la responsabilité sociétale – devient aujourd’hui un catalyseur de coopération. Les grands groupes comme les PME savent que leur légitimité internationale dépend de leur capacité à démontrer un impact concret : réduire les inégalités, soutenir les chaînes de valeur locales, intégrer l’économie circulaire.
De leur côté, les collectivités territoriales disposent d’une légitimité unique pour engager les autorités locales, structurer les projets et garantir leur ancrage dans les besoins du terrain.
L’Agence française de développement (AFD) et son dispositif FICOL ont déjà montré la voie : lorsque les projets sont co-construits entre élus, ingénieurs, chefs d’entreprise et associations, les résultats sont tangibles et durables. Mais nous ne faisons qu’effleurer le potentiel.
Un nouvel horizon : l’économie d’impact territoriale transcontinentale
Et si nous considérions la coopération décentralisée comme un accélérateur d’économie d’impact ?
Et si les prochains projets de coopération ne se limitaient pas à “apporter” mais à co-créer : des marchés urbains zéro déchet, des incubateurs verts, des réseaux solaires scolaires, des services de mobilité douce adaptés aux réalités africaines…
Chaque projet deviendrait une vitrine du savoir-faire français et une démonstration qu’impact social, performance économique et diplomatie des territoires peuvent avancer main dans la main.
Passer à l’échelle
Pour cela, trois leviers sont à activer sans attendre :
- Mutualiser les initiatives : regrouper plusieurs collectivités françaises autour d’un programme sectoriel commun pour attirer de plus grands partenaires privés.
- Structurer la mesure d’impact : intégrer dès la conception des indicateurs clairs, afin de prouver la valeur ajoutée sociale, environnementale et économique.
- Assumer l’audace : tester des solutions innovantes dans le cadre sécurisé des partenariats public-privé locaux.
En Afrique, le temps de l’action conjuguée est venu.
Les collectivités apportent la confiance et la vision de long terme. Les entreprises apportent l’agilité, la technologie et la capacité d’investissement. Ensemble, elles peuvent inventer une nouvelle page de la relation entre l’Afrique et la France : celle d’un partenariat mature, respectueux et créateur de valeur partagée.
Il ne tient qu’à nous de la rédiger.
Pierre-Samuel Guedj est le président d’Affectio Mutandi, première agence conseil en stratégies sociétale, normative et réputationnelle sur les enjeux ESG. À la confluence des parties prenantes, elle articule RSE, Communication corporate & de Crise, Affaires publiques, Compréhension des enjeux juridiques et Relations avec les ONG.
