À la tête de la Bourse Régionale des valeurs Mobilières (BRVM), le Dr Félix Edoh Kossi Amenounvé a été l’invité de l’émission « 8 milliards de voisins » sur RFI, le 21 juillet, consacrée au thème : « Entreprendre en Afrique : financer les TPE, PME grâce aux diasporas ».
Le financement des PME: une problématique persistante
Pour cette figure incontournable de la finance régionale, l’accès des petites et moyennes entreprises (PME) aux financements de court, moyen ou long terme reste limité depuis plusieurs années. La question est souvent vue à travers le prisme du financement bancaire, des fonds d’investissement en fonds propres, puis de l’accès aux marchés de capitaux, comme celui de la BRVM.
«Depuis plus de vingt ans, constate-t-il, les efforts déployés pour améliorer l’accès des PME africaines aux financements n’ont produit que des résultats limités. Certes, les banques ont, dans une certaine mesure, su se réinventer afin d’accompagner plus efficacement ces entreprises, et des compartiments spécifiques leur ont été réservés sur plusieurs places boursières du continent. Cependant, à ce jour, l’Afrique ne recense que 100 PME cotées, contre 1 500 sur Euronext et 753 à la Bourse de Londres. Le défi reste considérable. »
Les ressources de la diaspora peuvent-elles contribuer à résoudre ce problème ?
La question de l’apport des diasporas a souvent été envisagée sous l’angle de financements colossaux destinés à de grands projets d’infrastructures : immobilier, télécommunications, routes, ports, etc. Cette approche s’est ensuite enrichie d’exemples internationaux.
Le Dr Félix Edoh Kossi Amenounvé rappelle que les obligations émises en vue de capter l’épargne des ressortissants de l’étranger, les diaspora bonds, sont apparues dès les années 1930 en Chine et au Japon, mais ce n’est que récemment que certaines expérimentations ont vu le jour en Afrique. Il cite notamment l’Éthiopie, avec le financement du grand barrage de la Renaissance, ou le Nigeria, qui a mobilisé 300 millions de dollars pour des projets d’infrastructures. Au Sénégal, la BRVM, en partenariat avec la Banque de l’Habitat, a mobilisé 20 milliards de francs CFA pour le secteur immobilier.
À ses yeux, ces expériences restent limitées. Il insiste sur la nécessité de mettre en place des véhicules d’investissement adaptés aux besoins de la diaspora, offrant transparence, confiance et suivi clair des fonds investis.
Une manne financière orientée vers la consommation directe
Les diasporas africaines constituent l’un des principaux contributeurs financiers étrangers du continent.
« Selon la Banque mondiale, les transferts de fonds vers l’Afrique ont atteint environ 100 milliards de dollars en 2024, dont 56 milliards spécifiquement dirigés vers l’Afrique subsaharienne. C’est bien plus que l’aide publique au développement, estimée à 36 milliards de dollars par l’OCDE, dans un contexte de baisse généralisée de cette aide. Et ces chiffres n’incluent même pas les transferts informels, comme ceux effectués en main propre par un proche en voyage », rappelait Emmanuelle Bastide, en introduction de son émission.
Pourtant, cette manne financière est essentiellement destinée à la petite consommation directe via l’aide à la famille.
Une ressource pour soutenir le développement communautaire
Par-delà le soutien apporté à sa famille ou à ses proches, le DG de la BRVM souligne qu’il y a une nouvelle dynamique : les membres de la diaspora investissent de plus en plus dans les infrastructures de base de leurs communautés d’origine, notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé.
« Les diasporas prennent conscience de l’importance d’investir dans leurs communautés », explique-t-il.
Des exemples concrets existent en Casamance au Sénégal et dans la région de Kayes au Mali, où des centres de santé et des écoles primaires ont été financés grâce à des mobilisations communautaires atteignant parfois 60 000 euros. Ces initiatives permettent aux jeunes restés au village d’accéder à l’école ou garantissent la disponibilité de structures de santé pour les membres de la diaspora lors de leur retour temporaire ou définitif.
Des véhicules financiers pour mobiliser la manne financière de la diaspora
Si certaines start-up et PME lèvent directement des fonds auprès des Africains établis à l’étranger, l’investissement dans les PME passe aussi par des véhicules financiers, tels que des fonds d’investissement.
Au-delà des exemples de transferts d’argent et d’investissements évoqués plus tôt, Dr Amenounvé souligne une évolution : « Des fonds d’investissement de la diaspora, mieux structurés, accompagnent les PME dans des projets d’infrastructures. »
Une partie des ressources de la diaspora est ainsi collectée pour financer des PME au Sénégal, en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays. Il cite notamment deux fonds actifs : Ciwara Capital en France et Janngo Capital.
Fonds immobilier : un créneau appelé à séduire les diasporas africaines
« On ne peut pas inventer des produits qui ne sont pas adaptés aux besoins de la diaspora. L’un des plus importants est d’investir dans l’immobilier », avertit Dr Amenounvé ;
« La BRVM et le marché régional travaillent sur la mise en place de fonds immobiliers permettant à la diaspora d’investir et d’accéder à des logements dans la sous-région». L’immobilier est en effet un secteur autour duquel gravitent de nombreuses PME.
« Aujourd’hui, il est possible d’investir à la BRVM depuis Abidjan, New York ou Sydney grâce à la bourse en ligne, qui facilite la passation d’ordres», confirme le DG, qui encourage la diaspora à dépasser l’idée que l’investissement en Afrique est trop risqué. « Le rendement moyen à la BRVM est de 8 % sur les dividendes. »
Au-delà du financement, Dr Félix Edoh Kossi Amenounvé insiste sur le mentorat et le réseau entrepreneurial, essentiels pour la bonne fructification des investissements de la diaspora.