Depuis des décennies, les grands médias internationaux prétendent scruter l’Afrique avec objectivité, au nom d’une prétendue mission d’information universelle. Pourtant, derrière cette façade se cache une réalité beaucoup plus dérangeante, un traitement médiatique à deux vitesses, dicté par des intérêts géopolitiques, économiques ou idéologiques. Ce qui se joue aujourd’hui sur le continent n’est pas seulement une question d’information, mais de pouvoir symbolique, celui de décider qui mérite l’indignation, et qui mérite le silence.
Ces derniers mois, plusieurs pays africains ont connu des événements politiques majeurs tels que les élections contestées, révisions constitutionnelles controversées, des dérives institutionnelles manifestes. Mais alors que certaines situations auraient déclenché, ailleurs, des avalanches de reportages, d’analyses et de débats sur “la crise démocratique en Afrique”, d’autres passent presque inaperçues dans les colonnes ou sur les ondes de ces médias dits “de référence”. Un silence sélectif, presque complice, qui en dit long sur les priorités de ceux qui prétendent parler au nom de la transparence et de la liberté de la presse.
Lorsqu’il s’agit de certains pays africains, la moindre tension devient une “alerte rouge”, une preuve de “dérive autoritaire” ou de “fragilité institutionnelle”. Des experts improvisés défilent sur les plateaux pour décortiquer, souvent de façon caricaturale, des réalités qu’ils comprennent à peine. En revanche, quand les mêmes dérives surviennent dans d’autres États africains jugés “stratégiques” ou “alliés économiques”, la critique s’efface. Le ton change. On parle de “transition”, de “particularités locales”, de “réajustements constitutionnels”. Le vocabulaire, soigneusement choisi, devient un outil diplomatique, non plus journalistique.
Cette duplicité médiatique alimente une injustice narrative,elle façonne l’opinion publique mondiale à travers un prisme biaisé où certains pays africains sont systématiquement présentés comme des “mauvais élèves”, pendant que d’autres bénéficient d’une indulgence quasi totale. En agissant ainsi, ces médias entretiennent des rapports de domination symbolique hérités d’un autre âge, où l’Afrique ne parle pas pour elle-même, mais à travers les lunettes de ceux qui pensent savoir ce qui est bon pour elle.
Le danger est profond. Car, un tel déséquilibre ne fait pas qu’affaiblir la crédibilité de la presse internationale ; il sape aussi les efforts des peuples africains pour construire une démocratie authentique, affranchie des jugements extérieurs. L’Afrique mérite mieux qu’une couverture à géométrie variable. Elle mérite un regard juste, qui observe avec la même rigueur toutes les situations, sans favoritisme ni calculs politiques.
En définitive, il ne s’agit pas de rejeter la critique venue d’ailleurs, mais de réclamer la cohérence. Car l’Afrique ne demande pas qu’on la défende, mais qu’on la regarde avec honnêteté. Et c’est peut-être cela, le véritable test de la maturité journalistique mondiale.

