Par Cyrille Djami (cyrilledjami@gmail.com), Consultant en Communication Stratégique et d’influence, fondateur de CommsOfAfrica
Le 25 septembre 2025, l’annonce a fait l’effet d’un séisme dans l’écosystème de la communication française : l’État a décidé de suspendre l’ensemble de ses dépenses de communication jusqu’à la fin de l’année. Une décision inattendue qui a immédiatement suscité l’inquiétude et l’indignation des professionnels du secteur, au point que l’Association Nationale des Communicants a publié une tribune alertant sur les risques d’un tel choix.
Au-delà du cas français, cette actualité soulève une question plus large qui trouve un écho sur le continent africain : que se passe-t-il lorsqu’un gouvernement choisit de réduire, voire de couper, la parole publique ? Est-ce réellement une économie ou bien un affaiblissement de la démocratie et de l’action collective ?
La communication publique, un levier stratégique et non un luxe
En France comme ailleurs, la communication publique n’est pas un supplément d’âme. Elle constitue un investissement structurant, qui permet d’informer les citoyens de leurs droits, de les sensibiliser aux enjeux collectifs et de les mobiliser autour de grandes causes. Santé publique, transition écologique, sécurité routière, inclusion sociale : toutes ces politiques nécessitent des campagnes claires et accessibles pour être comprises et suivies.
Suspendre cette communication, c’est faire croire qu’elle relèverait du confort, alors qu’elle est au cœur du pacte démocratique. Dans un espace public saturé de messages, souvent privés et commerciaux, la parole institutionnelle peine déjà à émerger. La rendre invisible, c’est laisser davantage de place aux discours partisans, aux rumeurs et aux désinformations.
L’Association Nationale des Communicants a d’ailleurs rappelé que derrière ces budgets, il existe aussi un tissu économique : agences, indépendants, médias, associations. En les privant brutalement de commandes, c’est tout un écosystème de compétences et de savoir-faire qui se trouve fragilisé.
Une décision aux conséquences démocratiques
La suspension française intervient dans un contexte de polarisation croissante de l’opinion publique. Or, c’est précisément dans ces moments de tensions que la communication institutionnelle joue un rôle d’équilibre. Elle permet de poser des faits, de clarifier des enjeux, de rappeler des règles communes.
En se retirant de cet espace, l’État prend le risque d’accentuer le fossé entre institutions et citoyens. Moins d’information officielle signifie plus de place pour les approximations, les récits partisans ou les interprétations biaisées. La communication publique, en éclairant et en contextualisant, contribue à maintenir la confiance. Sa suspension risque au contraire de l’éroder.
Un miroir pour l’Afrique
Si la décision française choque, elle agit aussi comme un miroir pour les réalités africaines. Dans de nombreux pays, les budgets de communication publique sont structurellement limités, parfois inexistants. La communication institutionnelle est alors reléguée au second plan, considérée comme un luxe à mobiliser uniquement lors des grandes crises.
Pourtant, les besoins sont immenses. Comment assurer l’efficacité d’une campagne de vaccination sans dispositifs de communication clairs et accessibles ? Comment promouvoir des comportements citoyens autour de la sécurité routière ou de la gestion des déchets si l’État ne prend pas la parole de manière régulière et structurée ? Comment lutter contre la désinformation et les discours de haine, notamment sur les réseaux sociaux, sans investir dans une communication publique moderne et crédible ?
La décision française illustre par contraste ce que vivent de nombreux pays africains : le risque de laisser le terrain libre aux rumeurs et aux messages privés faute de moyens pour porter une parole publique forte.
Des leçons à tirer pour les communicants africains
L’épisode français invite les acteurs africains de la communication à réfléchir à la valeur stratégique de leur métier. Trop souvent, les communicants publics doivent justifier leurs budgets auprès de décideurs qui voient encore la communication comme un poste « compressible ». Or, l’exemple français montre que même dans une démocratie avancée, couper la communication publique fragilise le débat collectif.
Les associations professionnelles et les réseaux de communicants africains ont donc un rôle crucial : sensibiliser les gouvernements au fait que la communication n’est pas un coût, mais une condition de transparence, de confiance et d’efficacité des politiques publiques. Argumenter sur l’impact social, mais aussi sur l’impact économique (car des milliers d’emplois dépendent de cet écosystème) est essentiel pour éviter que la communication publique ne soit la variable d’ajustement budgétaire.
Une vigilance collective à maintenir
La suspension française doit servir d’avertissement. En Afrique comme en Europe, réduire la communication publique revient à réduire la capacité de l’État à dialoguer avec ses citoyens. Or, dans des sociétés marquées par des transitions profondes (démographiques, climatiques, technologiques ), ce dialogue est vital.
La question n’est donc pas de savoir si la communication publique coûte trop cher. Elle est de déterminer quelles priorités elle doit servir et comment l’utiliser de manière responsable, transparente et au bénéfice des citoyens. Sans ce travail de pédagogie et d’explication, aucune réforme, aussi pertinente soit-elle, ne peut réellement prendre corps dans la société.
Conclusion
La décision française rappelle une vérité simple : sans communication, il n’y a ni transparence, ni confiance, ni action collective. Suspendre la communication publique, c’est affaiblir le lien entre institutions et citoyens, et fragiliser la démocratie elle-même.
En Afrique, où les moyens sont souvent plus réduits, cette actualité doit inciter à défendre, plus que jamais, la place stratégique de la communication publique. Car c’est elle qui permet de donner du sens à l’action des États et de construire, jour après jour, la confiance indispensable à toute vie collective.

Cyrille Djami https://www.linkedin.com/in/cyrille-djami-25044692/ est un spécialiste en Communication Stratégique et d’Influence, avec une vaste expérience dans le conseil aux organisations et aux personnalités publiques. Depuis de nombreuses années, il se consacre à la création et à la gestion de l’image de marque, de la réputation et de la notoriété de ses clients, avec un accent particulier sur le continent africain.
M. Djami est également un mentor qui consacre régulièrement son temps à l’encadrement des étudiants en communication en Afrique. En tant qu’intervenant fréquent dans les médias, il partage souvent son expertise sur des sujets relatifs à la Communication et aux médias.
Cyrille Djami est un spécialiste en Communication Stratégique et d’Influence, avec une vaste expérience dans le conseil aux organisations et aux personnalités publiques. Depuis de nombreuses années, il se consacre à la création et à la gestion de l’image de marque, de la réputation et de la notoriété de ses clients, avec un accent particulier sur le continent africain.
M. Djami est également un mentor qui consacre régulièrement son temps à l’encadrement des étudiants en communication en Afrique. En tant qu’intervenant fréquent dans les médias, il partage souvent son expertise sur des sujets relatifs à la Communication et aux médias.